14 janvier 2025
Une troisième place inédite sur cette course légendaire du Vendée Globe 2025. Sébastien Simon, que retenez-vous de cette arrivée aux Sables-d’Olonne ?
« C’est étrange, j’ai l’impression que le départ était hier. Tout est passé si vite, et pourtant ces derniers milles me paraissaient interminables. Ce que je retiens de ce Vendée ? Déjà, Charlie (Dalin) était le meilleur sur cette édition, il n’y a aucun doute. Et cette arrivée aux Sables, c’est évidemment beaucoup d’émotions : d’avoir retrouvé mes proches et surtout d’être un peu entré dans l’histoire en devenant le premier Sablais, le premier Vendéen à monter sur le podium de cette course. Cela rajoute de la fierté. »
Cette troisième place illustre parfaitement votre détermination, car votre parcours n’a pas été toujours été facile…
« J'ai eu des années compliquées, et pour autant ça a été un parcours incroyable. Il y a un peu plus de quatre ans, en décembre 2020, mon rêve s’effondrait lors de mon premier Vendée Globe. J’ai été victime d’une collision avec un objet flottant non identifié, j’ai dû abandonner la course après seulement trois semaines, alors que j’occupais la 4ᵉ place. Cette frustration m’a hanté pendant quatre ans. Pour cette édition, je me suis encore mieux préparé et j’étais plus déterminé que jamais. »
Déterminé, avec un projet monté en un temps record…
« C’est exact ! Paul-Henri Dubreuil, mon partenaire, m’a proposé cette aventure d’être aux commandes de son IMOCA au départ du Vendée Globe. Je me souviens encore de son texto : c’était un samedi matin, il me disait qu’il s’était décidé à faire le Vendée Globe pour les 100 ans du Groupe Dubreuil. Deux jours après, je le rencontrais et le projet était lancé… C’était dingue car onze mois plus tôt, je m’étais déplacé une vertèbre et j’avais démâté en course… Les signaux n’étaient pas très positifs (rires) ».
Sur ce Vendée Globe, vous avez été épargné par les pépins…
« J’ai quand même de mon foil tribord dans l’océan Indien, avant même la mi-parcours, ce qui aurait pu me jouer un vilain tour. Mais quand j’ai vu que le bateau n’était pas gravement endommagé, je n’ai pas hésité une seconde à continuer. Jusque dans les derniers jours de course, j’ai été vigilant. Je n’ai quasiment pas dormi à cause du trafic maritime important, et j’ai dû enchaîner les virements dans le courant. À un moment, j’ai été distancé, mais je me suis accroché à cette troisième place. Dans le finish, chaque détail comptait et cela a payé ! »
On sent encore cette aventure présente en vous…
« La remontée du chenal, c’était un rêve de gosse ! et vous avez, un Vendée Globe, ça peut se terminer en une fraction de seconde. Je pense notamment à Maxime (Sorel) ou Yannick (Betaven) qui l’avait emporté en 2020. Ils n’ont pas eu de chance. De mon côté, j'ai joué ma course, je ne me suis pas fait imposer mon rythme. J'ai suivi mes trajectoires, mes choix. Il y a eu beaucoup de sacrifices, beaucoup d’envie, beaucoup d’énergie. Ça prend aux tripes ».
Vous parlez des autres skippers. On a l’impression que c’est aussi une bataille entre amoureux de la mer.
« C’est ça. Sur l'eau, nous sommes seuls face aux éléments, mais nous savons que nous pouvons compter les uns sur les autres en cas de coup dur. Il n’y a qu’à regarder notre accolade avec Charlie (Dalin) et Yoann (Richomme) à l’arrivée, alors que la bataille était féroce sur l’eau. Ben (Benjamin Dutreux) est aussi un marin exceptionnel, une source d'inspiration pour beaucoup d'entre nous. J’ai un lien particulier car on a été en collocation ensemble. On a pu échanger quelques messages pendant la course. On s’encourageait mutuellement. »
Quels ont été les moments les plus forts ?
« Il y a ce record de vitesse en 24 heures en solitaire [ndlr : 615,33 milles soit 1139,6 km], c’est une petite fierté ! Et puis je retiens aussi cette terrible dépression dans l’océan Indien. C’était des conditions dantesques : des rafales à plus de 60 nœuds, des creux de dix mètres… Tous les concurrents ont fait le choix de se détourner vers le Nord pour éviter le gros de la dépression. J’ai été le seul à suivre Charlie (Dalin), le choix a été payant ! »
Le Vendée Globe pour vous, c’est…
« Une quête de dépassement de soi, de résilience et de passion. C’est aussi une épreuve de la solitude. Passer la fin d’année seul et loin des siens, ce n’est pas évident. La fatigue aussi, le manque de sommeil, ou les petites aventures techniques comme celle de monter au mât pour des problèmes de voile… Je m’en serais bien passé. J’étais seul en mer pendant 67 jours et pourtant c’est une victoire collective, celle d’une équipe ! »
Une troisième place, c’est beau pour l’enfant du pays que vous êtes…
« Oui, je suis un enfant du Vendée Globe. J’habite Les Sables-d’Olonne donc cela a une saveur particulière pour moi. Je connais les pontons et le chenal par cœur. J’ai le souvenir du bonheur d’arpenter les pontons de Port Olona et de remonter le chenal avec le bateau de mon père… À 6 ou 7 ans, j’étais déjà comme un poisson dans l'eau. J’ai 34 ans et le Vendée Globe en a 35. J’ai toujours vécu avec cette image du grand départ du Vendée Globe, et de ces arrivées au milieu de la nuit que l’on allait voir en famille. J’ai su tôt que c’était le défi de ma vie. »
À quel moment vous êtes-vous dit que la voile allait devenir un projet de vie ?
« Très tôt finalement. Mon goût pour la compétition naît vers 12 ans avec une régate d’Optimist. Puis je me suis essayé au dériver en 420, même si mes pieds ne touchaient pas le fond du bateau. Et puis il y a eu la rencontre avec la légende Yves Parlier qui a beaucoup compté dans mon parcours. »
Des ambitions pour 2028 ?
« J’ai déjà les yeux rivés sur l’avenir. Mon objectif est clair : je veux gagner le Vendée Globe. Je n’en connais pas encore les contours, ça passera peut-être par un bateau neuf, plus performant et à la pointe de la technologie. Je sais que le Groupe Dubreuil est enthousiaste à l’idée de continuer cette collaboration. C’est un projet ambitieux. Le Vendée Globe, c’est ma course, je suis né avec cette course, je l’ai dans les tripes. Je viens d’arriver mais j’ai déjà envie de repartir, je veux m’investir et tout sacrifier pendant quatre autres années pour donner le meilleur de moi-même et atteindre un jour l’objectif ultime de remporter cette course. »